Le Grand Paris de 1860

1/ Construction des fortifications

Suite au désastre de 1814 (1) et pour éviter une nouvelle invasion de la ville de Paris, Adolphe Thiers, ministre de Louis-Philippe fait voter le 13 janvier 1841, un crédit de cent-quarante-millions de francs pour doter Paris d’un nouveau système défensif. Au départ, le projet suscita la méfiance de certains qui craignaient une tentative de contenir le peuple de Paris susceptible de se révolter contre le pouvoir en place.

Vestige du mur des fortifications près de la porte de Bercy photo prise en 2020.

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L’enceinte était désignée sous le diminutif de « fortif’ ». Il se situait entre le périphérique et les boulevards des Maréchaux. Il comprenait une enceinte longue de trente-trois kilomètres, quatre-vingt-quinze bastions, dix-sept portes et vingt-trois barrières, et aussi des passages de chemins de fer, la Seine, des rivières ou canaux et des poternes. L’enceinte, elle-même était composée d’un mur d’escarpe haut de dix mètres et large de trois mètres cinquante. A l’intérieur un fossé de quarante mètres de largeur, une contrescarpe et une zone non construite de 250 mètres en complétait la sécurité. Une ceinture de forts était édifiée à environ cinq kilomètres de Paris.

De 1841 à 1844, des centaines d’officiers du génie et 45 000 ouvriers venus de toutes les régions de France furent à l’œuvre sur le chantier des “fortifs”. La nouvelle enceinte englobait près de 80 km2.

L’enceinte était longée intérieurement par la route militaire qui donna naissance à partir de 1860 aux boulevards porteurs de noms de Maréchaux de l’Empire.

La loi du 19 avril 1919 décida la destruction de l’édifice, les travaux durèrent de 1920 à 1924, il ne subsiste aujourd’hui que quelques vestiges, notamment près de la porte de Bercy ou la Poterne des Peupliers près de la Porte d’Italie.

(1) : La bataille de Paris s’est déroulée le . Elle oppose l’armée impériale française aux forces européennes alliées. La défaite française marque la fin du règne de Napoléon Ier, qui abdique à l’issue de la capitulation.

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2/ Les recettes réunies

En juillet 1854, la Poste créa un nouveau tarif pour le courrier circulant entre deux bureaux limitrophes avec un flux de courrier assez important. Il prit le nom de tarif des Recettes Réunies ; le tarif local fut alors appliqué. Il fut mis en place en juillet 1854 et prit fin le 31 avril 1878. Pour Paris et sa couronne le tarif des Recettes Réunies prit fin avec l’annexion le 1er janvier 1860.

Les seize bureaux de la Seine compris entre l’ancien mur d’octroi et l’enceinte fortifiée furent réunis à Paris : Auteuil, Passy-lès-Paris, Les Ternes, Les Batignolles, Montmartre, La Chapelle-Saint-Denis, La Villette, Belleville, Charonne, Saint-Mandé, Bercy, Ivry gare et village, La Maison-Blanche ( Gentilly), Petit et Grand Montrouge, Vaugirard et Grenelle.

Recettes Réunies Paris et les 16 communes limitrophes

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L’encre fournie par l’administration pour oblitérer les timbres était noire. Paris et les seize communes de la couronne de Paris utilisèrent parfois l’encre bleue pour oblitérer les lettres concernées par le tarif des recettes réunies, à destination de Paris ou entre elles.

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Etoile bleue

Lettre de Paris pour Passy affranchie au tarif des Recettes Réunies,

oblitération étoile bleue,

timbre à date bleu 2° PARIS 1 (60) 27 MARS 55

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Losange petits chiffres bleus

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pour voir les lettres cliquez sur ce lien

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Courriers de Paris vers les communes voisines

(pour voir les lettres , cliquer sur le lien ci-dessus)

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Courriers des communes voisines vers Paris

(pour voir les lettres , cliquer sur le lien ci-dessus)

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Dans Instruction Générale du service des Postes de 1856, troisième partie, section 1, page 74, paragraphe 212, nous pouvons lire le texte suivant :

Tarif des Taxes des lettres de Paris pour Paris ou et de Paris pour ses annexes et réciproquement

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3/ L’annexion de 1860

La construction de l’enceinte à partir de 1841 s’était peu embarrassée des limites des communes. Le mur a partagé certaines communes en deux parties et inclus d’autres dans cette enceinte. Haussmann avait préparé l’annexion à partir de 1853. Une campagne de presse s’employa à convaincre les populations de la nécessité de l’annexion.

Les conseils municipaux des communes concernées furent consultés.

Les oppositions sont venues de La Villette, La Chapelle, Belleville et Bercy. Les craintes concernaient la perte de l’identité des communes et surtout le déplacement des barrières d’octroi aux fortifications : la conséquence étant le renchérissement des matières premières.

Charles Vernier, La bonne ville de Paris et ses nouveaux enfants, Le Charivari, 31 janvier 1860

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La ville de Paris cherchant à englober la banlieue (Charles Vernier)

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Malgré les refus de certaines communes, la loi votée le 16 juin 1859 par le Corps Législatif, fut promulguée le 3 novembre 1859. Selon la loi, à partir du 1er janvier 1860 les limites de Paris furent déplacées au pied de l’enceinte. Les communes concernées furent supprimées et leurs territoires furent absorbés par Paris où leurs noms servirent à désigner des quartiers. Les bureaux de poste de banlieue devinrent des bureaux de quartier.

L’octroi fut étendu à toute la ville de Paris ainsi agrandie et les barrières déplacées aux portes de l’enceinte. Une exemption de taxes de 5 ans fut accordée aux usines, commerces et entrepôts installés dans la couronne .La capitale fut redécoupée en 20 arrondissements dont les limites suivirent les boulevards ou les limites des anciennes communes à l’exception de Belleville qui fut partagée entre le 19ème et le 20ème arrondissement.

Quatre communes furent entièrement comprises dans l’extension : Belleville, Grenelle, La Villette et Vaugirard. Sept autres communes,
partagées par les fortifications disparurent en tant que telles et leurs noms servirent à désigner des quartiers. Leurs territoires furent partagées entre Paris et la ou les communes voisines : Auteuil (Paris 16ème et Boulogne), Passy (Paris 16ème et Boulogne), Batignolles-Monceau (Paris 17ème et Clichy), Montmartre (Paris 18ème et Saint Ouen), La Chapelle (Paris 18ème, Saint Ouen, Saint Denis et Aubervilliers), Charonne (Paris 20ème Montreuil et Bagnolet) et Bercy (Paris 12ème et Charenton-le-Pont). Les dernières communes impactées furent amputées de la partie située à l’intérieur de l’enceinte : Neuilly (Les Ternes Paris 17éme), Saint Mandé (Paris 12ème), Ivry (quartier de la gare Paris 13ème), Gentilly (la Maison-Blanche Paris 13ème et la Glacière Paris 14ème), et Montrouge (le Petit Montrouge Paris 14ème).

Enfin une dizaine de communes du département de la Seine durent céder à Paris une petite partie de leur territoire, la commune de Neuilly en particulier dut abandonner à la capitale le quartier des Ternes.

Dire que nous v’la Parisiens (Honoré DAUMIER)

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4/ Timbres à date et oblitérations

Le petit cachet à date type 15 était utilisé depuis 1838, il indiquait le nom de la commune et le numéro 60 du département de la Seine. En juin 1866 il fut remplacé par un nouveau cachet de plus grand diamètre, type 17 portant le numéro de la levée, l’indication de la commune de Paris et le nom du quartier.

Timbre à date type 15 21mm                                                                         Timbre à date type 17 23mm

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Oblitérations avec le timbre à date

Le cachet à date était utilisé pour oblitérer les imprimés affranchis. Il a été utilisé sur les cartes postales à partir de 1873. L’utilisation du cachet à date oblitérant a été généralisée fin mars 1876 lors de l’abandon du losange gros chiffres.

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Losange Petits Chiffres

Depuis 1852 les timbres sont oblitérés avec le losange dit des petits chiffres accompagné d’un cachet à date indiquant le nom de la commune et le numéro 60 attribué au département de la Seine. Pour les 11 communes et les 2 bureaux de quartier qui ont été dissous ou absorbés, les bureaux ont continué à utiliser les mêmes cachets jusqu’à fin 1862.

Losange petits chiffres 191 d’Auteuil

Les numéros Petits Chiffres de ces 13 bureaux sont :

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Les communes de St Mandé, de Montrouge et d’Ivry possédaient des annexes de quartier sans numéro attribué. Le bureau de banlieue conserve son numéro, il fallut alors créer trois nouveaux numéros pour les annexes de quartiers situés dans la capitale qui deviennent des bureaux à part entière.

Le quartier de la Glacière n’ayant pas de bureau de postes fut desservi par le bureau de la Maison Blanche.

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Losange Gros Chiffres

Le cachet losange petits chiffres est peu lisible et a tendance à s’encrasser. En 1862 l’Administration des Postes décide de changer de typographie et d’opter pour des chiffres plus gros. La nomenclature est revue, les bureaux sont rangés par ordre alphabétique. Les bureaux sont équipés du nouveau matériel à partir de décembre 1862.

Losange gros chiffres 241

Les numéros Gros Chiffres des 16 bureaux sont :

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Nouveaux bureaux

La loi de finances du 16 septembre 1871 décida la création de cinq nouveaux bureaux à Paris. Ils n’ouvrirent que courant 1872. Il leur fut attribué un numéro dans la série des 6000.

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Losange Gros Chiffres refaits

Avec l’usure liée à l’emploi dans les bureaux importants, certains losanges gros chiffres se sont dégradés et durent être réparés. La fabrication des losanges gros chiffres, fournis en 1862 par l’Administration des Postes obéissait à des règles précises d’alignement. Elles ne furent plus suivies pour les gros chiffres refaits. Des décalages importants peuvent être constatés dans le cas de gros chiffres refaits ou réparés.

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Losange Petits Chiffres des Gros Chiffres

En cas de détérioration du losange « gros chiffres », l’Administration des Postes fournit des griffes « petits chiffres » comportant la numérotation de la nomenclature des gros chiffres. Un certain nombre de bureaux ont utilisé ces griffes. On les désigne sous le nom de « petits chiffres des gros chiffres ». Ils ont souvent été utilisés sur des lettres chargées ou recommandées.

Le bureau d’Ain-Beida en Algérie a conservé et utilisé la griffe petits chiffres 4116. Le bureau de Vaugirard n’a pas disposé de griffe petits chiffres des gros chiffres.

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5/ Les 16 communes

Cliquez sur la commune pour accéder à la page

AUTEUIL

LES BATIGNOLLES

BELLEVILLE

BERCY

LA CHAPELLE – ST DENIS

CHARONNE

GARE D’IVRY

GRENELLE

LA MAISON-BLANCHE

MONTMARTRE

MONTROUGE – PARIS

PASSY-LES-PARIS

ST MANDE – PARIS

LES TERNES

VAUGIRARD

LA VILLETTE

Collection Patrick Caillot

2 Comments

  1. Bonjour, excellent article bien documenté avec des cartes qui peuvent servir de préambule à mes collections de mes premiers courriers parisiens, cartes postales précurseurs et pneumatiques.
    Félicitations à l’auteur et à CPL14 qui présente toujours d’excellentes études

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