Pour commencer, un petit lexique Allemand/Français:
Feld-Post = poste militaire (litteralement: poste de campagne)
Feld-postkarte = carte en franchise militaire
Krieg = guerre
Gefangenen = prisonnier
Kriegsgefangenen = prisonniers de guerre
Kriegsgefangenen-sendung = courrier de prisonniers de guerre (littéralement: envoi de prisonnier de guerre)
Gefangenen-lagers = camp de prisonniers
Kriegsgefangenen-lager (s) = camp (s) de prisonniers de guerre
Truppen-übungsplatzes = champ de manœuvre (littéralement: zone de pratique des troupes)
Kommandantur = bureau du commandement
Brief-Stampel = cachet (ou tampon) pour lettre
Geprüft = censure (littéralement: contrôlé)
Postprüfungsstelle = bureau de poste
Il faut noter en préambule que l’administration des postes allemandes différe un peu de l’administration française par le fait que l’Allemagne est alors un empire. Il y a 3 administrations postales: -la Reichpost Prussienne, -la Poste Royale Bavaroise, -La Poste Royale Würtemburgeoise.
Ce sont des fonctionnaires de ces 3 administrations qui assurent la Feldpost, et ils sont considérés comme militaires par la convention de La Haye, portent l’uniforme et sont armés. Si ils sont faits prisonniers, ils sont considérés comme militaires à part entière.
Le courrier des prisonniers de guerre est géré par la Feldpost.
Chaque camp dispose d’un vaguemestre, comme pour une unité militaire, qui assure la collecte du courrier sortant et la distribution du courrier entrant.
Il appose sur le courrier sortant sa marque de contrôle assurant la franchise. Il existe donc énormément de marques car chaque camp a eu entre 5 et 10 cachets différents, et il y a eu prés de 700 camps de prisonniers.
1 2
3 4
1: marque carrée ornée du camp de Gardelegen, novembre 1915 : Kommandantur des kriegsgefangenenlagers/Gardelegen (commandement du camp de prisonniers de guerre)
2: marque ronde ornée du camp de Gardelegen, septembre 1915 : -idem-
3: marque ronde Brief-Stampel du camp de Ohrdruf, décembre 1914 : Kommandantur des Gefangenen-Lagers/des Truppen-übungsplatzes Ohrdruf (commandement du camp de prisonniers / du champ de manœuvres Ohrdruf)
4: marque ronde Brief-Stampel du camp de Langensalza, juin 1916 : Kommandantur d. Kriegs-Gefangenen-Lagers/Langensalza (commandement du camp de prisonniers de guerre / Langensalza)
Le camp dispose également d’un bureau de censure…Le courrier passe donc ensuite dans les mains des censeurs pour contrôler le texte. La censure est systématique, aucun courrier ne sort ou ne rentre sans la marque du censeur. Ces marques portent la mention « Geprüft » (Contrôlé).
Ces marques de censure sont également très nombreuses et très variées.
La dernière étape est le « Frist Abgelaufen »… le délai de sécurité appliqué systématiquement aux courriers sortants afin de ne transmettre à l’ennemi que des informations déjà anciennes! Ce délai est suivant C. Deloste de quinze à vingt jours, mais nous constatons qu’il peut n’être que de 9 jours:
Carte écrite le 2 février 1915, TAD civil de Ohrdruf du 10 février donc « Frist Abgelaufen » de 9 jours
et atteindre 31 jours:
Carte écrite le 10 décembre 1916, entrée dans le service le 12 décembre, TAD civil de Niederzwehren du 11 janvier donc « Frist Abgelaufen » de 31 jours
Le « Frist Abgelaufen » est symbolisé par les lettres F.A. ou F.a. soit isolées (petit cachet rond),
soit intégré à la marque de censure,
Cela dépend du moment où est exercée la censure:
– en début de « F.a. », on a uniquement le « Geprüft », le « F.a. » est appliqué à la fin du délai
– en fin de « F.a. », on peut avoir un cachet cumulant les 2 indications
Au terme du « F.a. », le courrier est transmis à la poste civile pour acheminement, on a donc parfois en plus le timbre à date du bureau civil.
Lors de son entrée dans le service, le courrier passe par un composteur à date (vu à partir d’août 1915 à Ohrdruf). Cette date permet de vérifier le délai de sécurité.
Dateur F.a. de Cassel du 17 avril 1918 et OMEC de Cassel du 30 avril 1918: F.a de 13 jours
Le Délai F.a. sert parfois aussi de moyen de sanction, ou de répression :
le 19 mai 1916, René écrit: « …aussi je t’averti nous allons peut-être être un mois sans correspondre vu toujours le même bruit que vous devez connaître tous en France, les prisonniers au Dahomey… », et il ajoute entre les lignes: « les représailles sont terminées«
Les marques « FA » ou « Geprüft + FA » sont également très nombreuses et très variées.
Les prisonniers ont théoriquement l’autorisation d’envoyer 2 lettres et 4 cartes-postales par mois… sauf restrictions (punitions) fréquentes!
Cela entraine une gestion sévère des courriers pour le prisonnier. René privilégie les lettres et cartes à son épouse (2 lettres probables que nous n’avons pas mais auxquelles il fait référence dans ses cartes, et 2 cartes), les 2 autres cartes servent à répondre aux amis qui lui écrivent. Aussi, pour les vœux du 1er janvier…
carte du 7 janvier 1917: « …souhaite bien des choses à tout les parents et amis pour moi car je ne peux écrir à tout le monde… »
Lorsque le camp est important, il peut avoir son propre bureau de poste, le courrier passe ensuite à la poste civil par sacs entiers, sans être oblitéré par la poste civile.
marque de Ohrdruf de novembre 1915
Postprüfungsstelle/der Kommandantur des Gefangenenlagers Ohrdruf/
Geprüft
F.a.
Bureau de poste/du Commandement du Camp de prisonniers de Ohrdruf
Contrôlé
Délai expiré
carte écrite le 21 novembre 1915, entrée dans le service le 24 novembre
sortie du service avec Geprüft et F.a., et expédiée directement
distribuée à Routot le 13 (décembre 1915?)
Mais certain camps annexes bien qu’ayant leur bureau font quand même passer le courrier par la poste civile! C’est le cas du camp de Cassel-Niederzwierhen:
carte écrite le 2 juillet 1916, de Nietze (Kommando), passée en censure à Cassel-Niederzwierhen,
F.a. (+ Geprüft) de Cassel-Niederzwierhen, et TAD de poste civile de Niederzwierhen du 14 juillet
distribuée à Routot le 22 juillet 1916
La Feld-Post, c’est aussi les colis! (Postpakete en allemand)
distribution des colis au camp de Ohrdurf
Les conditions de vie dans les camps sont difficiles. L’ordinaire (la cantine) laisse plus qu’à désirer, et les conditions d’hygiène sont déplorables. Il n’est pas fourni de vêtements non plus, ni de chaussures, et encore moins de produits sucrés.
La survie des prisonniers est donc fortement conditionnée par la réception de colis provenant de France, autant que le moral est soutenu par les lettres.
collection S et M.C. Lisieux
Certains commerçants se spécialisent même dans la confection de ces colis:
collection S. et M.C. Lisieux
René y attache énormément d’importance:
carte du 2 février 1915 (et pas 1918 comme indiqué en haut!)
« …j’ai reçu ton colis…cela m’a fait plaisir surtout le manger… »
Carte du 22 avril 1915
« …j’ai reçu …ton colis de 27 mars…et comme nous ferons notre petite cuisine et repas Léon et moi par ensemble, nous espérons rentrer dans nos foyers aussi puissants que nous étions à notre départ, à part quels (quelques) cheveux blancs… »
Sources pour cet article: C. Deloste, Histoire Postale et Militaire de la Guerre 14/18 ; Le courrier des prisonniers de guerre, Lectures pour tous, 01.01.1917 ; www.deutsche-feldpost1914-18.de
Collection BB Lisieux (sauf mentions)
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